samedi 16 décembre 2017

Le docteur Maltête

Le docteur Maltête, qui a suivi l'agonie du pauvre Degorce (voir l'Affaire Blondel & Porée — en 1877), porte mal son nom...

Jean Gabriel Alexandre Mathurin Émile Malteste, né le 23 juin 1841 au village de Chez Souan, à Moutardon (commune désormais rattachée à Nanteuil-en-Vallée en Charente), est le fils de François et de Marie-Élisabeth Clémence Charrière.

Après ses études, il est docteur en médecine de la Faculté de Paris et est attaché au service médical du 13e bataillon de la garde nationale mobilisée à Paris durant la guerre de 1870. Il participe notamment aux combats à Noisy, à Bobigny et au Drancy.

Médecin à Charroux, il est l'époux de Nelly Paris. Son premier enfant naît à Charroux.

AD86 en ligne, Charroux, N - 1873-1879, v. 83/113

Il est alors délégué cantonal et médecin inspecteur des écoles puis chargé de l'inspection des enfants assistés (médaille d'argent en 1887). Il habite ensuite à Nanteuil où il est adjoint au maire de 1888 à 1896. Enfin, il déménage à Ruffec.

La liste des charges qu'il occupe par la suite est impressionnante, notamment :
  • médecin de prison depuis 1886.
  • président de la commission d'inspection des pharmacies et épiceries de 1886 à 1907.
  • médecin des épidémies depuis 1886 (médaille de bronze en 1908).
  • officier d'académie en 1897.
  • médecin en chef de l'hospice depuis 1896.
  • médecin des chemins de fer de l'État.
  • officier de l'instruction publique en 1903.

Il est nommé chevalier de la Légion d'honneur par décret du ministère de l'Intérieur en date du 17 janvier 1911. Son dossier précise qu'il meurt centenaire.

Extrait du dossier LH/1711/67 de la Base Leonore

dimanche 3 décembre 2017

Les Roux du moulin des Âges

Les histoires post-révolutionnaires des moulins du Tan et des Âges sont intiment liées par le jeu des alliances familiales.


Le couple important et fondateur de cette histoire est formé par Jean Bert et Marguerite Chopin.
Jean Bert, baptisé le 22 février 1711 à Saint-Saviol, est le fils de Jean, laboureur, et d'Anne Brothier.
Marguerite Chopin, née vers 1710, est la fille de Jean Chopin et d'Anne Garreau, issue d'une famille marchande de Savigné.
Leur alliance se joue le 24 août 1740, à Civray : Jean Bert épouse Marguerite Chopin, tout comme Jean Chopin épouse Marie Bert — frère et soeur pour sœur et frère.

Jean Bert et Marguerite Chopin ont sept enfants connus :
  • Louis, baptisé le 11 mars 1745 à Civray, dont je n'ai pas retrouvé de traces dans les registres.
  • Antoinette, baptisée le 24 février 1750 à Civray, qui y épouse, le 16 octobre 1771, Pierre Fombelle, laboureur originaire de Limalonges, fille de Pierre et de Marie Martin. Le couple s'installe à Saint-Pierre-d'Exideuil et a au moins quatre enfants, dont un seul survit au passage de l'âge adulte : Jean Fombelle, baptisé le 28 janvier 1783 à Civray. Nous en parlerons plus tard. Antoinette Bert décède le 26 décembre 1788, son mari le 20 brumaire de l'an X (30 octobre 1801).
  • Julie Marie, baptisée le 11 septembre 1752 à Civray, qui y épouse, le 6 février 1779, Pierre Gallais, fils de Jean et de marie Longeau. Il est meunier au moulin Minot, à Saint-Pierre-d'Exideuil, jusqu'à son décès le 17 novembre 1795. Son épouse est meunière au même lieu jusqu'à sa mort, survenue le 26 mai 1815.
  • Jeanne, née vers 1753, qui épouse, le 5 février 1781, à Charroux, Jean Villesange, meunier, fils de Pierre et de Marie Martin. Son mari décède le 10 août 1793, et elle est meunière au moulin de Jouet, sur cette commune de Charroux, jusqu'à son décès, le 11 août 1817.
  • Jean, né vers 1755, qui épouse, le 27 novembre 1780, à Charroux, Jeanne Villesange, soeur du précédent et veuve de Louis Martin, boulanger. Le couple n'a pas d'enfant, et Jean devient meunier au moulin du Tan, du moins de 1807 jusqu'à sa mort, survenue le 15 septembre 1818.
  • Pierre Bert, baptisé le 10 novembre 1757 à Civray, qui épouse, le 5 février 1781, à Charroux, Marie Villesange, autre membre de la fratrie. Pierre Bert est, après la révolution, meunier au moulin des Âges, et l'est jusqu'à sa mort, le 17 avril 1819. De leur union, ils ont quatre filles : Jeanne-Marie, Marguerite, Louise et Jeanne.
  • et enfin Marguerite, baptisée le 29 mars 1764 à Civray, qui y épouse, le 19 février 1783, Jean Gallais, meunier à Saint-Pierre-d'Exideuil. Veuve, elle se remarie, le 1er brumaire de l'an III (22 octobre 1794), à Pierre Sabourault, aussi meunier.

Après la révolution, les deux frères, Jean et Pierre Bert, sont donc usiniers des deux moulins les plus en aval du fleuve sur la commune de Savigné (Les Âges et le Tan), et le sont jusqu'à leur décès, à peu près contemporain.
Jean Fombelle, fils orphelin de Pierre et d'Antoinette Bert, a dû être intégré dans la famille de son oncle Pierre Bert. Pierre Bert, chez lequel justement il est chasseron, lorsqu'il épouse, le 19 octobre 1807, à Savigné, sa cousine Jeanne Marie Bert. À la mort de son oncle Jean Bert, il devient le meunier au moulin du Tan, jusqu'à son décès, survenu le 23 janvier 1839. Ce mariage est l'occasion de réunir toute la famille — en tant qu'orphelin, Pierre Fombelle reçoit l'agréement de toute la famille :

AD86 en ligne, Savigné, M - 1805 (an XIV)-1812, v. 25/110

Étienne Roux est le fils de Pierre Roux, alors meunier originaire à Château-Garnier, et de Catherine Peignier. C'est le plus jeune enfant du couple, et le seul à être né à Savigné — où il est baptisé le 7 avril 1787, car son père y est brièvement meunier, à Périgné. Il est un des domestiques de Pierre Bert, aux Âges, lorsqu'il épouse, le 20 novembre 1811, à Savigné, une des filles de ce dernier, Louise Bert. Tout comme Jean Fombelle au Tan, Étienne Roux va succéder à son beau-père aux Âges.
Chez les Roux, on est meunier de père en fils depuis au moins 3 générations, du moins, jusqu'au début des registres paroissiaux, et encore, quand les actes sont propices aux détails sur les professions.  Étienne Roux meurt au moulin le 15 novembre 1833, et son épouse continue l'activité, jusqu'à ce que leurs enfants soient en âge de travailler. La tradition familiale se poursuit, avec les enfants du couple, parmi lesquels Jean, né le 20 janvier 1817, Louis, né le 11 février 1821 et Étienne, né le 13 avril 1826. Après son mariage en 1838, Jacques Fombelle, leur gendre et fils de Jean et de Jeanne Marie Bert — époux de Jeanne Roux — les accompagne.

L'activité se réduit et la famille compte les disparitions : Louise Bert, maîtresse de maison, décède le 21 octobre 1856, son fils Louis Roux meurt aux Âges le 4 février 1872 (côté Civray), suivi par son frère Jean, le 8 mars suivant (aussi aux Âges de Civray). Jacques Fombelle, veuf, se remarie et quitte la profession pour élever des cochons au Breuil-Margot.

Seul Étienne poursuit l'activité, jusqu'à au moins 1881. Il meurt le 12 novembre 1905, mais n'exerce plus depuis longtemps.

Des trois garçons d'Étienne Roux et de Louise Bert cités précédemment, seul Louis s'est marié : il a épousé Marie Tabarin, le 18 août 1858, qui lui a donné Pierre Henri — bourrelier au Âges en 1881, et Eulalie, qui épouse, le 5 janvier 1881, François Gervais, cultivateur au Magnou.


Comme vu précédemment, le moulin appartient au pharmacien Peyramaure en 1884. À ce moment-là, le moulin n'est déjà plus en activité. François Gervais est justement le fermier qui s'occupe de la propriété, en 1905.



samedi 2 décembre 2017

Marie L'Étoile-d'Or

A la recherche de meuniers et d'ouvriers de la meunerie sur Savigné, j'ai l'occasion de vous présenter une personne qui portait un des plus beaux patronymes du secteur.

L'an mil huit cent seize, et le quinze décembre à sept heures du matin, pardevant nous Jean-Baptiste Marie Gay de Puy d'Anché, maire officier de l'état-civil de la commune de Sauzé-Vaussais, chef lieu de canton, département des Deux-Sèvres, est comparu le sieur Lubin Beaubeau, brigadier de la gendarmerie royale, âgé de trente-trois ans, demeurant en cette commune, qui nous a déclaré qu'à l'instant et étant seul, il a trouvé un panier suspendu par un crochet en bois et attaché à une boucle de fer placée à côté de la porte et principale entrée de la maison de Jean Compagnon, aubergiste ou pend pour enseigne l'Étoile d'Or, située à Sauzé près le grand puits, qui, ce panier, contient un enfant tel qu'il nous le présente, emmailloté dans une petite chemise, deux langes en toiles ordinaires et deux en étoffes grises connues sous le nom de Ferget, et une troisième en même étoffe couvrait l'enfant, qui était sur un peu de foin, herbe, luzerne ; ayant visité ses effets, il en s'est trouvé aucune marque ; sur une des langes était attaché par une épingle un petit morceau de papier contenant ces mots : "Recommande faire le Baptême". Après avoir visité l'enfant, avons reconnu qu'il était du sexe féminin, qu'il paraissait être né de la nuit dernière, et ayant visité le dit enfant, il ne s'est trouvé avoir aucune marque sur le corps, ni n'avons trouvé aucun atre écrit que celui dont il est ci-dessus parlé. De suite avons inscrit l'enfant sous les noms et prénoms de L'Étoile-d'Or, Marie, et avons ordonné qu'il fut remis à Marie Augé, femme de Jean Catineau, journalier, demeurant à Sauzé, commune de Sauzé-Vaussais; de quoi avons dressé procès verbal en présence des sieurs Pierre Rousseau, adjoint de cette mairie, âgé de quarante-quatre ans, et Louis Neau, âgé de quarante-cinq ans, gendarme royal, demeurant tous les deux en cette commune, qui ont avec nous signé. Après lecture leur a été faite du contenu au présent procès verbal.

AD79 en ligne, Sauzé-Vaussais, N - 1803-1822, v. 231/319

AD79 en ligne, Sauzé-Vaussais, N - 1803-1822, v. 231/319

Cette enfant devenue femme est assistée de François Bouhier, colon demeurant à la Blottière de Champniers, devenu son tuteur ad hoc, lorsqu'elle se marie, le 20 janvier 1836, à Charroux (où elle est domestique), à Pierre Serin, tisserand audit la Blottière, natif de Pleuville (Charente), fils de Jacques et de feue Élisabeth Guinaud.

Le couple s'installe à l'Érable et Marie L'Étoile-d'Or y décède le 1er novembre 1896. Son acte de décès est rédigé en présence de Pierre Serin, son fils, négociant en vins et ancien meunier au moulin de Savigné — celui-ci est né le 26 janvier 1837.

C'est en cherchant des renseignements sur ce fils, Pierre Serin, que j'ai trouvé une annotation intéressante : il apparaît que Marie L'Étoile-d'Or était la fille de Jeanne Mangout, et c'est mentionné dans l'acte de naissance de son fils. Cette filiation est totalement occultée lors de son décès, puisqu'elle y est mentionnée née de mère et père inconnus.

lundi 27 novembre 2017

L'aptonyme du Tan

Le recensement de 1901 signale la présence du minotier Jean Minot au moulin du Tan :

AD86 en ligne, Recensement de Savigné de 1901, v. 28/30

Voyons voir cet individu appartenant à une famille phare de la commune.


Jean Minot est né le 20 août 1844 à Savigné, de Joseph et de Marie Debenest. Il est propriétaire à Pleuville (Charente), au village du Masdieu, lorsqu'il y épouse, le 9 mai 1870, Marie-Henriette Joséphine Maupoux, fille de Joseph et d'Henriette Bouyer.


C'est avec une légère surprise teintée d'une certaine ironie que je découvre cette épouse, descendante directe du fratricide de Loing, le sieur Adrien Buchey (qui est l'arrière-arrière-grand-père d'Henriette Bouyer).


Au Masdieu, Marie Maupoux donne naissance à deux enfants :

  • Marie, née le 21 mars 1871.
  • et Jean-Joseph, né le 20 mars 1873.
Le couple a la douleur de perdre leur fils le 30 juillet 1873, âgé de 4 mois.

Suite à cet événement, nous retrouvons cette famille au village de Châteauneuf, sur la commune d'Asnois, dans la Vienne, où naît Jean-Joseph Albert, le 3 juin 1874. Sur les recensements de 1876, Marie n'est pas là : elle apparaît chez ses grands-parents Maupoux, au Masdieu de Pleuville, sous le prénom d'Antoinette.

En 1881, la famille vit au village de la Petite-Gorce tout proche, où Jean Minot est dit fermier. Cette même année, Albert est signalé sur un deuxième recensement, celui de Pleuville, chez les Maupoux.

En 1886, Henriette Bouyer rejoint sa fille et son gendre. De plus, cette fois-ci, la famille comprend Antoinette et Albert.

AD86 en ligne, Recensement d'Asnois de 1886, v.10/12

Marie Maupoux donne naissance à une fille tardive : Marie-Joséphine Jeanne, le 11 mars 1890. Le couple et sa dernière fille sont recensés sur la commune voisine de Charroux, au lieu-dit Rochepinard, en 1891, puis Place Belle-Croix en 1896, où Jean Minot est devenu représentant de commerce.

Jean-Joseph Albert Minot, est employé des contributions indirectes à Charroux lors du tirage au sort de sa classe 1894 (il vit avec ses parents). Appelé au service, il intègre le 77e RI le 16 novembre 1895 en qualité de soldat de 2e classe. Il passe à la 20e section de secrétaire d'état-major et du renseignement à Tours le 23 septembre 1896 et est nommé caporal le 8 octobre 1897. Envoyé dans la disponibilité le 17 septembre 1898 avec certificat de bonne conduite accordé, il est classé dans la non-disponibilité comme commis des contributions indirectes à Châtellerault le 11 mai 1899. Nommé à Auxerre, il épouse, le 24 octobre 1900, à Saint-Florentin, Marthe-Augustine Fortier-Lajeunesse, fille de Félix Anatole, receveur des contributions indirectes, et d'Élisabeth Galley. Appelé commis principal à Lille et enfin à Rodez le 1er juin 1908, il est contrôleur à Libourne le 7 juillet 1917. Il est par la suite nommé contrôleur de 1re classe à Strasbourg du 9 février 1920 au 23 octobre 1922.
Jean-Joseph Albert Minot est décédé le 15 janvier 1958 à la Rochelle.

Lors du mariage de leur fils, en 1900, Jean Minot et son épouse vivent alors à Savigné. Comme le souligne le recensement de 1901 cité en tête de cet article, il est minotier au Tan et a pris en charge son père, alors âgé de 80 ans — Joseph Minot est veuf de Marie Debenest depuis 54 ans, notons-le. Le vieillard meurt chez lui le 10 mars 1904 et Jean Minot quitte le moulin à ce moment-là, laissant la place d'usinier au sieur Forestier.

A noter que leur servante, Annette Degout, sert le couple depuis au moins 1891 (lors du passage à Rochepinard de Charroux).

AD86 en ligne,
L'Avenir de la Vienne,
édition des 5 et 6 avril 1915
Jean Minot redevient représentant de commerce et le couple s'installe dans le bourg de Savigné, en 1906, puis au village de Chez Rantonneau en 1911.

Des nouvelles de Jeanne, la pauvrette. Elle est employée des postes à Vouneuil-sur-Vienne, lorsqu'elle meurt brutalement, célibataire, le 3 avril 1915 à Chez-Rantonneau, lors d'une visite de Pâques chez ses parents.
Jean Minot est décédé le 9 juin 1916 au même village.

Parcours reconstitué de Jean Minot :
  • 1870/1873 - Propriétaire au Masdieu à Pleuville (Charente).
  • 1874/1876 - Propriétaire à Châteauneuf, commune d'Asnois (Vienne).
  • 1881/1890 - Propriétaire à la Petite-Gorce d'Asnois (Vienne).
  • 1891 - sans profession à Rochepinard de Charroux (Vienne).
  • 1896 - Représentant de commerce résidant à la Place Belle-Croix dans le bourg de Charroux (Vienne).
  • 1900/1904 - Minotier au moulin du Tan, à Savigné (Vienne).
  • 1906 - Représentant de commerce au bourg de Savigné (Vienne).
  • 1911/1916 - Représentant puis voyageur de commerce à Chez-Rantonneau de Savigné (Vienne).

samedi 25 novembre 2017

Chicanes aux Âges


Un quinzaine d'années plus tard, M. Jean Boyer l'aîné, négociant résidant rue du commerce à Civray, est le propriétaire du moulin. Comme l'a fait son prédécesseur, l'ancien propriétaire Payramaure, Boyer envisage des réparations sur les chaussées du moulin, et envoie une pétition à la préfecture pour l'autorisation des travaux :

AD86, cote 7 S 20
10 août 1921, pétition de M. Boyer

Reçu en préfecture le 13 dudit mois, la pétition est transmise au service hydraulique du département de la Vienne le 18 suivant.

Après enquête, l'ingénieur subdivisionnaire Lafont, "considérant que le moulin des Âges n'est pas réglé, que ses chaussées ne sont pas en mauvais état, que quelques pierres seulement ne formant pas de longueur dépassant 0,60 m sont déplacées et que les travaux projetés consisteront à remettre ces pierres en place et en quelques travaux de rejointoiement", et "considérant que les travaux projetés n'auront pas pour effet de modifier le régime ancien des eaux ni d'augmenter le niveau de la retenue", autorise le pétitionnaire à entreprendre ses travaux, "à la condition que les pierres à replacer soient exactement au même niveau que celles voisines conservées de façon à ce qu'aucune surélévation ne soit apporté au niveau ancien de la retenue". Son rapport est signé le 23 août.

Une enquête publique est ouverte par arrêté préfectorale du 3 septembre. Un registre d'enquête est tenu à disposition du public du 15 septembre au 29 du même mois. A l'échéance de cette période, comme aucune observation ou réclamation n'a été présentée, le mairie donne un avis favorable au projet de travaux :

AD86, cote 7 S 20
15-29 septembre 1921, registre d'enquête

L'ingénieur en chef du service hydraulique de la Vienne, ayant reçu cet avis favorable, ne voit pas d'objection aux réparations : il donne son accord définitif par un rapport émis le 8 octobre. L'arrêté préfectoral est publié le 12 dudit mois.

En définitif, Boyer aura attendu 2 mois pour pouvoir commencer ces réparations.

Mais ces travaux ne vont pas plaire à tout le monde, en particulier Fernand Gourdonneau,  propriétaire qui se situe immédiatement en amont du moulin des Âges : le moulin du Tan.

Paul Fernand Gourdonneau est né le 2 septembre 1866 à Niort. Il est le fils de Jean Gourdonneau, natif de Persac, qui a été garde-moulin à la Mothe-Saint-Héray (1858), au moulin de Comporté à Niort (1862) puis minotier au Moulin-Neuf de Civray dès 1871. Jean Gourdonneau a épousé Marie Terceau en 1857, dont il a eu au moins, outre Paul Fernand, Jules, également meunier au Moulin-Neuf, et Joseph, boulanger.
Paul Fernand Gourdonneau est meunier au Moulin-Neuf, avec son père et son frère, dès 1892, date à laquelle il épouse Jeanne Clémence Eugénie Demon, fille de Pierre Hector et de Jeanne Célina Fombelle. Cette dernière est l'une des descendantes de Jean Fombelle, l'un des précédents meuniers du Tan. C'est probablement par héritage qu'il acquiert ce moulin (il est alors à la fois propriétaire des moulins du Tan et du Moulin-Neuf, qui encadrent immédiatement en amont et en aval celui des Âges).

Non, Fernand Gourdonneau n'est pas content et le fait savoir à la sous-préfecture.  Le moulin du Tan, en effet, toujours en activité, a été réglé par arrêtés préfectoraux des 6 mars 1863 et 22 octobre 1890, tandis que celui des Âges, situé en aval, n'a "jamais été légalement déterminé".  Vu que le moulin des Âges est au chômage depuis de longues années et que les chaussées et vannages — d'après Gourdonneau — "se trouvent en mauvais état, le libre écoulement de l'eau s'effectuait sans qu'aucune mesure réglementaire soit nécessaire".

Le sous-préfet écrit une pétition à la préfecture, le 7 mars 1922, pour repocher à Boyer les réparations effectués précédemment. Gourdonneau juge :
  • "que ces réparations ne semblent pas avoir été effectuées en respectant les droits de l'usinier supérieur"
  • "que notamment l'une des chaussées a été terminée à chacune de ses extrémités par un glacis qui s'oppose au libre écoulement de l'eau ; que par suite tout des réparations précitées que des réparations antérieures, il n'existe plus dans cette chaussée aucun déversoir".
  • "qu'une autre chaussée paraît avoir été légèrement surélevée au moyen d'une chape de ciment".
  • et "qu'enfin les vannages ont été rétablis à un niveau de beaucoup supérieur à celui des chaussées et s'opposant totalement à aucun écoulement d'eau par leur partie supérieure".
Gourdonneau se plaint donc de dommages importants sur son moulin du Tan. Il demande 1) "le dérasement de toutes parties des travaux effectués au moulin des Âges par le nouveau propriétaire M. Boyer", qui seraient reconnues susceptibles de s'opposer à l'écoulement normal des eaux et de "porter préjudice aux droits de l'usinier supérieur". Il réclame également 2) "le rétablissement d'un déversoir aux chaussées et l'apposition d'un repère déterminant la hauteur de retenue des eaux", 3) "le dérasement des vannages de décharge au niveau dudit repère", ainsi que 4) "les mesures provisoires destinées à assurer le libre écoulement des eaux, tant que le moulin des Âges demeurera au chômage".
Cette pétition est transmise le 20 mars à l'ingénieur ordinaire, puis à l'ingénieur en chef Lafond le 22 mars.

Pour l'administration, il est urgent de prendre le temps d'étudier ce cas.

À la suite de cette plainte, Lafond va visité le moulin des Âges. Il constate que le niveau ancien des chaussées a été conservé, mais qu'une partie enlevée de la chaussée a été reconstruite en glacis avec une pente se raccordant au niveau de la prairie en rive du fleuve : "cette pente", nous dit l'ingénieur, "ne gênait en rien le libre écoulement des eaux".

Toutefois, Boyer, "afin de ne pas avoir de chicanes avec son voisin", promet de faire réduire le glacis jusqu'au point où se trouvait l'année précédente le bord de son pré. Il fera également déraser toutes les vannes au niveau de la retenue. Après ces quelques menus travaux, force est de constater que les trois premiers points soulever par Gourdonneau ont reçu satisfaction.

Reste le 4e point. Comme le dit l'ingénieur, dans son rapport du 5 octobre 1922, l'administration n'a pas à intervenir dans cette affaire qui concerne les deux propriétaires. "M. Boyer", dit-il, "a parfaitement le droit de conserver les eaux dans son bief sans en faire usage. Si M. Gourdonneau se trouve lésé par le chômage du moulin des Âges, il lui est loisible de s'adresser aux tribunaux ordinaires pour réclamer à M. Boyer l'indemnité qu'il croit lui être dûe".

Gourdonneau n'est pas content, non vraiment pas. Il proteste directement sur le récépissé que lui remet le sous-préfet, suite au rapport de l'ingénieur Lafont :

Protestation de Gourdonneau, 9 octobre 1922
AD86, cote 7 S 20

Le 18 novembre, Lafont lui répète que les services hydrauliques ne peuvent, sans excès de pouvoir, "intervenir dans les différends qui peuvent exister entre deux usiniers si l'intérêt général n'est pas en jeu", citant Picard, traité des eaux, tome II, pages 36-37.
L'intérêt général n'est pas en jeu, ici, et "si M. Boyer nuit à M. Gourdonneau par le défaut de manœuvre de ses vannes, ce sont les tribunaux qui sont compétents pour régler la question des dommages et intérêts qui peuvent lui être dus".

Cette réponse est transmise au maire de Civray le 2 décembre suivant, et j'imagine qu'elle n'a guère plu au sieur Gourdonneau.

dimanche 19 novembre 2017

Le moulin du pharmacien


Un moulin est vivant. Il évolue en fonction des propriétaires et des exploitants, mais surtout au gré du fleuve. Pour cette raison, la période Peyramaure du moulin des Âges est passionnante.

Antoine Peyramaure, fils de Léonard et de Louise Pichon, est né vers 1838 à Payzac (Dordogne). Il s'installe comme pharmacien à Civray où il épouse, le 24 avril 1867, Marie-Éliza Mongin, fille de Jean-Baptiste Adolphe, négociant — qui possède le moulin des Âges, et de Françoise Zora Condamy, d'une famille venant de la région d'Angoulême. Il meurt le 30 janvier 1903 à Civray.

Début septembre 1884, Peyramaure est propriétaire du moulin. Il demande l'autorisation au Préfet pour réparer la chaussée du moulin — la chaussée concernée n'est pas précisée. Sa demande est reçu le 18 septembre et est transmise au service hydraulique des Ponts et Chaussées du département de la Vienne. L'ingénieur ordinaire, Goury du Roslan, transmets son rapport le 4 octobre suivant et conclut qu'"il n'y a aucune opposition à faire aux travaux projetés par le pétitionnaire, pourvu toutefois qu'ils n'apportent aucun obstacle au libre écoulement des eaux". Il ajoute toutefois que le moulin n'est pas réglé.

Plan du moulin des Âges, 4 octobre 1884
AD86, cote 7 S 20

Un arrêté préfectoral est établi le 9 octobre suivant qui autorise Peyramaure à exécuter les travaux. Les travaux sont contrôlés : un procès-verbal de récolement est établi par un conducteur des Ponts et Chaussées le 29 septembre 1885.

L'inactivité du moulin se ressent : il tombe en ruine. Peyramaure demande une nouvelle autorisation à refaire les vannes et quelques réparations aux chaussées, en date du 18 octobre 1894.

Pétition d'Antoine Peyramaure, 18 octobre 1894
AD86 - cote 7 S 20

Un nouvel extrait des plans du moulin précise la position des vannes à refaire :

Plan du moulin, 16 novembre 1894
AD86 - cote 7 S 20

Cette nouvelle demande va faire l'objet d'une visite par un conducteur des Ponts et Chaussées. Celui-ci indique "que la réfection du vannage ne portera que sur les vannes proprement dites et que les montants et le chapeau du vannage ne seront pas touchés". Il ajoute "que les réparations à la chaussée consisteront dans la mise en place de quelques pierres enlevées par les eaux et le comblement de vides occasionnant des voies d'eau".
Le moulin n'est toujours pas réglé. Le conducteur précise que "le vannage de décharge se compose de tois vannes mesurant respectivement 0,54 m, 0,57 m et 0,53 m, soit une largeur libre de 1,64 m et une hauteur de 1,46 m. Leur seuil est à 2,65 m en contre-bas du commencement du bajoyer en maçonnerie".
Il constate que ces vannes sont en très mauvais état. Comme aucune plainte n'a été déposé, il n'y a aucun inconvénient à procéder aux réparations envisagées. Il est demandé que les dimensions des vannes et le niveau de chaussée soient tout de même conservés.

De nouvelles réparations des chaussées, en raison des crues, sont demandées, suite à une pétition de Peyramaure en date du 15 mars 1897. Les travaux se font suivant un arrêté préfectoral du 28 avril 1897 et un procès verbal, établi le 30 avril 1898, indique que "les chaussées ont été réparées sans élever le niveau de la retenue et sans apporter aucun nouvel obstacle au libre écoulement des eaux".


Après la mort de Peyramaure, sa veuve fera une nouvelle demande de réparations sur les chaussées, par pétition du 30 août 1905.

Pétition de Mme Peyramaure, 30 août 1905
AD86 - cote 7 S 20

D'après ses déclarations, elle ne désire remettre en état que la chaussée bordant le canal d'amenée des eaux au moulin :

Plan du moulin, 18 septembre 1905
AD86 - cote 7 S 20


L'hiver précédent, les crues de la Charente ont provoquées quelques brèches de la partie supérieure de la chaussée. Aucune objection n'est prononcé sur ce projet de réparations, la demande de travaux est acceptée par arrêté préfectoral du 9 octobre 1905. Le maire de Savigné transmet cette autorisation au fermier de Mme Peyramaure, M. Gervais, le 18 octobre suivant :


Notification du maire de Savigné
AD86 - cote 7 S 20


Monsieur Gervais n'est autre que l'époux d'Eulalie Roux et le gendre de Louis Roux, ancien meunier des Âges — l'un des derniers représentants de l'ancienne famille exploitant le moulin.

dimanche 12 novembre 2017

Un Bourbonnais dans le Tan

Le recensement de 1906 signale la présence du meunier Jean-Baptiste Forestier au moulin du Tan :

AD86 en ligne, Savigné, Recensement de 1906 - v. 28/31

Gilbert Jean-Baptiste Forestier est né le 23 décembre 1855 à Saint-Gérand-de-Vaux (Allier) de Jacques Marie, meunier résidant au bourg de la commune, et d'Anne Varenne.

Son père est marchand de graines lorsqu'il épouse, le 6 juillet 1880, à Neuilly-le-Réal (Allier), Marie Orphelin, née le 27 septembre 1863 à Toulon-sur-Allier, fille de Charles et d'Anne Potret, métayers. Jean-Baptiste est alors dit réformé pour infirmités contractées hors des armées terre et mer, son congé ayant été délivré par la commission spéciale d'Orléans du 25 août 1876 (ayant participé au tirage au sort de la classe 1875 pour le canton de Moulins et comme jeune soldat devançant l'appel de sa classe, 1ère portion de la subdivision de Montluçon).

Lors du recensement de 1891 à Mont-l'Évêque, toute la famille est présentée, habitant rue de Meaux :

AD60 en ligne, Mont-l'Évêque, recensement de 1891, v. 7/16


1/ Charles-Marie (dit Jacques-Marie sur le recensement de 1891), est né le 24 juillet 1881 au moulin Conpied de la commune de Neuilly-le-Réal. Il est garde-moulin à Bègues - avec ses parents - lorsqu'il est enregistré sous le n° matricule 246, classe 1901, au bureau de recrutement de Moulins. Il est toutefois dispensé car aîné de 7 enfants (je n'en ai trouvé que 5). Incorporé à partir du 14 novembre 1902 au 37e régiment d'Artillerie, il est envoyé dans la disponibilité le 24 septembre 1903, avec certificat de bonne conduite accordé. Il vit par la suite à Giverny (Rouen) le 1er novembre 1903, puis chez M. Cailleaux à Gironville (Versailles) le 20 novembre 1904. Le 19 août 1906, il est à Melun, au hameau des 3 moulins, chez M. Gaudrille et le 31 mai 1908 à Montigny-sur-Loing. Enfin, il est à Beugnon le 27 décembre 1908 - en 1911, il est l'employé de Lucie veuve Darley, meunière dans la rue du Moulin. Rappelé à l'activité par décret du 1er août 1914, il incorpore le 15e régiment d'Artillerie de Campagne le 6 juin 1915 et meurt pour la France le 24 novembre 1916 des suites de ses blessures au poste de secours du groupe de Brancardiers de la 4e division d'Infanterie, à Estrées-Déniécourt (Somme). Son décès est transcrit dans les registres d'état-civil de Beugnon (Yonne) en date du 5 juillet 1917.

2/ Ernest Sébastien est né le 23 avril 1884 à Neuilly-le-Réal. Il vit à Savigné avec ses parents lorsqu'il s'engage volontairement pour 3 ans le 20 février 1905 à la mairie de Poitiers, pour le 14e régiment de dragons. Il arrive au corps le 22 février 1905, sous le grade de dragon de 2e classe. Nommé brigadier le 23 septembre 1905, il est envoyé dans la disponibilité le 20 décembre 1907, avec certificat de bonne conduite accordé. Le 22 janvier 1908, il vit à Vernie (Sarthe), puis à Paris, au n°65, rue Saint-Honoré, le 28 février 1910 et au n°74, rue François Miron, le 29 juillet 1911. Rappelé à l'activité par décret du 1er août 1914, il est militarisé dans le corps des gardiens de la paix et sergents de ville des communes des départements de la Seine, et laissé à la disposition du préfet de police. Il est maintenu dans son emploi par décision du 14 mars 1918. Il vit au n°7, boulevard du Palais, à Paris, le 1er août 1919 et est classé comme non disponible de la police municipale comme gardien de la paix à Paris du 24 octobre 1919. Il meurt le 27 mars 1929 à Villevaude (Seine-et-Marne).

3/ Marie-Agnès (mentionnée sur le recensement de 1906), est née le 3 octobre 1886 à Nevers, alors que son père est meunier résidant au n°100 rue Sainte-Vallière. Elle se marie le 2 octobre 1909 à Paris 1er, à Auguste Louis Marie Defourc, employé de commerce, né le 28 mai 1879 à Brest, fils de feu Paul-André et de Victorine Yvonne Estelle Landrin. Elle meurt le 10 novembre 1947 à Maisons-Alfort.

4/ Pierre Arthur (mentionné sur le recensement de 1906 comme employé par son père), né le 18 janvier 1888 à Saint-Pierre-le-Moûtier (Nièvre). Il est meunier à Avallon lorsqu'il est inscrit au registre matricule sous le n° 330, bureau d'Auxerre. Incorporé au 17e bataillon de Chasseurs à Pied, il arrive au corps le 1er octobre 1909, puis est envoyé dans la disponibilité le 24 septembre 1911, avec certificat de bonne conduite accordé. Le 8 décembre 1912, il habite au n°161 rue du Chevaleret, à Paris, 13e arrondissement. Rappelé, il intègre le 27e BCP et meurt pour la France des suites de blessures de guerre le 19 août 1914 à Schirmeck (Bas-Rhin). Son décès est transcrit sur les registres d'état-civil de Paris, 13e arrondisement, en date du 25 février 1921.

5/ Gilbert-Jean-Baptiste (mentionné sur le recensement de 1906 comme employé par son père), né le 7 mai 1891 au domicile de ses parents sis impasse Coquelet à Mont-l'Évêque (Oise), où son père est garde-moulin. Il est meunier à Saint-Florentin - avec ses parents - lorsqu'il est inscrit sous le n° 808 au registre matricule du bureau d'Auxerre. Incorporé au 37e régiment d'infanterie, il est maintenu sous les drapeaux par application de l'article  33 de la loi du 7 août 1913. Il meurt pour la France le 11 mai 1915 à Neuville-Saint-Vaast (Pas-de-Calais). Son décès est transcrit dans les registre d'état-civil de Saint-Florentin (Yonne).

Parcours reconstitué de Gilbert Jean-Baptiste Forestier :
  • 1880/1884 - moulin Conpied de Neuilly-le-Réal (Allier).
  • 1886 - n°100 rue Sainte-Vallière à Nevers (Nièvre).
  • 1888 - Saint-Pierre-le-Moûtier (Nièvre).
  • 1891 - Mont-l'Évêque (Oise).
  • 1901 - Bègues (Allier).
  • 1905/1906 - Le Tan de Savigné (Vienne).
  • 1908 - Ravières, commune d'Ancy-le-Franc (Yonne).
  • 1909-1911 - Faubourg Saint-Martin à Saint-Florentin (Yonne).

samedi 12 août 2017

De l'autre côté du miroir

Après avoir acheté cette petite carte postale ancienne de Savigné, je me sens comme Alice :

L'église et le monument — carte postale perso
Avec son clocher à droite et le presbytère à gauche, cette carte postale m'emporte de l'autre côté du miroir, en témoigne cette activité du premier quart du XXe siècle. J'imagine que j'arrive un dimanche, et les hommes attendent leurs femmes à la sortie de la messe.
Ou bien, c'est un mariage, et on attend la sortie des mariées...
Ou alors un enterrement, et on attend le funèbre cortège...

Mais c'est un peu gênant, repassons de l'autre côté du miroir :


Ah ! là, c'est mieux, non ?
Mais cette promenade onirique prend fin, on revient à la réalité, soyons pragmatiques.

Photographie d'aujourd'hui

dimanche 2 juillet 2017

Les enceintes des Bois de Rantonneau


La première consiste, comme les précédentes, en un parapet de terre avec fossé formant un clos (A) de 25 mètres du nord-ouest au sud-est et de 20 mètres du sud-ouest au nord-est ; d'autres traces de fossés se voient au nord-ouest et au sud-est et font penser qu'ils enveloppaient l'enceinte (A). (B) et (B), indiquent deux fosses dont l'une semble avoir conservé un fragment du parement en pierres sèches qui soutenait la terre. (C) et (G), indiquent des traces de constructions en pierres sèches, du moins les moellons qu'on y voit le font supposer. Les remparts peuvent avoir 2 mètres de haut et les fossés 3 mètres de large.

Indicateur archéologique de l'arrondissement de Civrai
Pierre-Amédée Brouillet, 1865, pl. 9, fig. 2

Une autre enceinte dans ce même bois est assez curieuse et pourrait bien avoir été, comme la précédente, l'une de ces maisons de campagne dont parle César et que possédaient au milieu des bois les riches seigneurs gaulois.
.... Sed hoc eo factum est, quod oedificio circumdato silvâ, ut suni fere domicilia Galloram, qui vitandi oestus causa, plerum que silvarum ac fluminum petunt propinquitates (La guerre des Gaules, livre VI.)
Vitruve nous a laissé de précieux renseignements sur les habitations des Gaulois. Les oedificia, dit-il, ne sont chez plusieurs nations que des constructions faites de branches d'arbres, de roseaux et de boue. Il en est ainsi de la Gaule, de I'Espagne, du Portugal et de l'Angleterre. Les maisons n'y sont couvertes que de planches grossières ou de paille (scandulis robureis aut stramentis), Vitruve, livre 2, Chapitre 2.
Ces maisons qui n'avaient point de fenêtres étaient de forme ovale, où rectangulaire. Elles s'élevaient parfois sur des fondements en pierres sèches. (Gorbeiet, Manuel d'archéologie national).
Voici encore des renseignements précieux puisés dans l'histoire de France de MM. Bordier et Charton : "Les habitations gauloises étaient ordinairement placées sur la lisière des bois ou sur le bord des fleuves. L'extrême légèreté de leurs constructions obligeait les habitants à chercher de cette manière un refuge contre l'ardeur du soleil, qu'ils redoutaient plus que la rigueur du froid. Les maisons, ordinairement de forme ronde et surmontées d'un toit, conique, étaient de bois, quelques fois de pierres brutes jointes avec de la terre glaise ; d'autre, fois, les murailles du logis étaient faites de deux claies d'osier fixées à quelques centimètres l'une de l'autre, et dans l'intervalle desquelles ont pétrissait de la terre argileuse et de la paille hachée. Pour les familles du peuple, l'édifice était une maison ronde, dé six à douze mètres de tour, et couverte de chaume ou de planchettes de bois réunies au sommet, comme sont encore les huttes que nos charbonniers se construisent dans les bois. Les maisons riches pouvaient avoir jusqu'à une quarantaine de mètres en largeur.
Souvent il n'y avait pas de fenêtres ; le toit descendant fort bas , on gagnait de la hauteur en creusant le sol de l'habitation jusqu'à une certaine profondeur, et l'on entrait, ou plutôt l'on descendait par une petite rampe ménagée devant la porte. Le fond était battu, bien uni, et sans humidité, la cavité était toujours creusée sur un terrain perméable, ou rendu tel par quelque fuite pratiquée artificiellement. Les-grandes maisons étaient sans doute partagées à l'intérieur par des cloisons formant divers appartements; dans quelques unes de ces cavités qui subsistent encore, on remarque, à moitié de la hauteur, une sorte de rebord intérieur régnant tout autour du creux et ayant probablement servi à soutenir un plancher.
Celle-ci se compose d'un carré-long (A), ayant 20 mètres de l'est à l'ouest et 10 mètres du nord au sud. Des murs avec fossés formaient une enceinte autour de cette habitation. Une tombelle (B), composée de terre, reliait ces murs et faisait l'office de tour ; elle a 25 mètres de circonférence et 3 mètres de haut. Cette enceinte, ainsi que la précédente , ne peuvent avoir appartenu qu'à quelques habitations particulières.


Indicateur archéologique de l'arrondissement de Civrai
Pierre-Amédée Brouillet, 1865, pl. 9, fig. 1

samedi 1 juillet 2017

Le retranchement des Âges

Brouillet, dans son indicateur, vous avait parlé des margelles de Fayolle. Il en est, aux Âges, que des fosses lui paraissent faites de la main de l'homme. Située sur un plateau de l'autre côté de la Charente par rapport à Fayolle, un fosse sous le nom de Creux-de-l'Houme, de Champ-du-Chiron, de Champ-du-Roc ou de Pierre-du-Teil, est très rapprochée de retranchements et d'anciennes constructions qui lui semblent avoir été un point militaire important.

Sur des rochers à pic baignés par le fleuve, dans le bois des Âges, il remarque de "grands bouleversements de terrain qui annoncent qu'autrefois il existait en ces lieux d'importantes constructions".

Indicateur archéologique de l'arrondissement de Civrai
Pierre-Amédée Brouillet, 1865, pl. 7, fig. 2 

"Défendu au nord par la rivière et l'escarpement des rochers on avait multiplié les obstacles au sud, à l'est et à l'ouest."
"Ces remparts", dit-il, "se composent de terre et de pierres, de murs en avant desquels existents des fossés plus ou moins larges ; ils décrivent des demi-cercles, forment rarement des lignes droites et enveloppent une immense surface de terrain."
Il y trouve "des débris de tuiles, de briques et de poteries grossières, un carré (A), placé sur le bord des rochers, n'était accessible que du côté sud, mais il était entouré de constructions formidables ; une espèce de puits (O) creusé dans la pierre, communiquait à des cavernes situées au bas du coteau, sur le bord de la rivière" (en fait, la Charente est un fleuve).

Brouillet poursuit en prétendant qu'il y a existé un château. En effet, dans une transaction passée en 1628 entre Noël Perax, curé de Saint-Nicolas de Civrau, et Claude Pidoux, il est question du lieu ou était anciennement le Château des Âges (Notes historiques sur la ville de Civrai de Léon Faye). Le château des Âges, était bâti sur le sommet du côteau de ce nom, dont il n'en existe plus aucun vestige. Ce château a pu être une de ces habitations comme en possédaient les riches seigneurs gallo-romains, et qui étaient à la fois des maisons de plaisance et des forteresses.


Sources : Indicateur archéologique de l'arrondissement de Civrai, Pierre-Amédée Brouillet, 1865, p. 216.