Ce récit, découvert grâce à M. et Mme Péchereau (à qui je dédie cet article), propriétaires à Loing, présente la description par le curé Grelet d'un événement censé avoir été surnaturel, survenu au début du XXe siècle dans la ferme dudit lieu. Hystérie collective, intoxication au monoxyde de carbone, ou tout simplement apparition diabolique ? Le débat est ouvert et les avis trancheront. Et si le fantôme de Jean-Nicolas Buchey était venu hanter les métayers, près de 168 ans après sa mort ?
Le jeudi soir, 29 novembre, le fait suivant se produisit à la métairie de Loing, située près du bourg de Savigné.
Un vigoureux jeune homme de 20 ans, forte tête, René Racoffier, originaire de Civray et domestique à Loing, s'amusait, pour occuper la veillée, en compagnie d'un autre jeune homme de Savigné, Pierre Métayer, âgé de 26 ans, des deux filles de la métairie, Marguerite Gautron (18 ans) et Louise Gautron (14 ans), et de la veuve Gautron, leur grand-mère, âgée de 77 ans, à faire tourner une clef, d'après les indications d'un livre de magie. Il y avait près de deux heures qu'ils se livraient à ce jeu défendu, malgré les conseils de la veuve Gautron qui leur disait de cesser : « allons, finisser donc, disait la veuve Gautron, et, ajoutait-elle, sans vouloir de mal cependant, je voudrais que le diable descende par la cheminée et vous prenne par les oreilles — uh ! bah ! répondit Racoffier en riant, le diable, je n'ai pas peur de lui ! », quand tout à coup, sur les 10 heures, René Racoffier, qui riait des recommandations et de la crainte de la veuve Gautron, aperçut devant lui une ombre qui lui troubla la vue. Au même moment, il se sentit saisi par la tête et fut, à plusieurs reprises, soulevé de terre, à la vue de tous les assistants, comme par quelqu'un qui aurait cherché à l'emporter. Le chapeau de Pierre Métayer, qui était assis à côté de René Racoffier, fut projeté en même temps au milieu de la chambre, sans que personne n'y eut touché. La veuve Gautron, qui était assise au coin du feu, sentit comme un fort courant d'air descendre de la cheminée et passer devant sa figure. Elle vit aussi comme une fumée autour de René Racoffier. Le cri d'effroi que poussa ce dernier, quand il se sentit ainsi saisi et enlevé, fut tel que tous les autres furent grandement épouvantés et, à l'appel qu'il lança avec des accents désespérés : « allez chercher Mr le curé ! Aller vite chercher Mr le Curé ! », on vint me mander en tout hâte à 10 heures 1/2. Quelques minutes après, j'arrivai à la maison où ce fait étrange venait de se produire. Le pauvre jeune homme était bien un peu revenu à lui, mais la frayeur qu'il avait éprouvée avait produit une telle consommation au cerveau que sa vue se troublait encore par moments. Alors il déclarait voir une fumée épaisse, et il se prenait à crier d'une manière effrayante, en tremblant de tous ses membres, comme un enfant affolé par la peur. Après avoir donné les conseils que je devais donner en pareille circonstance, je reçus, avant de partir, la confession du jeune homme en question. Le lendemain matin, il vint assister à la sainte messe et il y communia, sans que rien d'anormal ne parut en lui. La nouvelle de ce fait se répandit très vite et l'émotion fut grande dans toute la paroisse. Dès le lendemain, René Racoffier quitta la métairie et retourna chez ses parents à Civray, rue du Moulin Neuf. Il a pleinement l'usage de sa raison, mais il est toujours, la nuit surtout, sous le coup de la peur qu'il a éprouvée. Il a même déclaré à monsieur l'Archiprêtre de Civray qu'une fois depuis, il a entendu devant sa figure comme un bruit sec et vu ensuite des étincelles. La "Semaine Religieuse du diocèse" a rapporté ce fait dans son numéro du 9 décembre 1906 et je le transcris ici avec plus de détails, le 5 janvier 1907, en le certifiant conforme.
J. Grelet, curé de Savigné
|
René Racoffier, le principal protagoniste de cette histoire, était le fils de Pierre, sabotier, et de Marie Grimaud. Il naquit sous les prénoms de Pierre René Victor, le 26 avril 1886, au domicile parental, rue du Moulin Neuf, à Civray.
Son compère, Pierre Métayer, fils de Pierre et de Françoise Marie Coquillaud, naquit le 8 janvier 1881 à Lizac, village de Savigné.
La veuve Goutron, née Marie Petit, naquit le 31 mai 1830 à Châtain. Fille de Louis et de Françoise Robin, elle épousa, le 25 février 1851, dans sa commune natale, François Goutron, né le 4 janvier 1813 à Benest (Charente), fils de François et de Marie Dumousseau. Colon au village de Chez Meunier, il mourut à Asnois, le 17 janvier 1880. Marie Petit, et ses fils, Jean et François, et leurs familles, vinrent s'installer à Savigné, quelques années plus tard. François, né le 18 juin 1861 à Benest, avait épousé, le 4 février 1884 à Asnois, Anne Vallade, fille de mes ancêtres François et Marie Dardillac. De leur union, ils eurent, au moins, Eugène, né en 1885 à Asnois, puis Marguerite, née en 1887 à Savigné, et la petite Annette, dite Louise, née en 1893 à Pleuville (Charente). Au début du XXe siècle, la famille prit la charge de la métairie de Loing. Le destin voulut donc que les deux fillettes, mentionnées dans l'histoire, me soient intimement liées : elles étaient les cousines germaines de mon arrière-grand-père Myrthil :
Dans son récit, le curé racontait que cet événement marqua les esprits dans le petit bourg.
L'écho de Civray, hebdomadaire local, s'en émut, et publia peu après l'article suivant, retrouvé aux Archives départementales de la Vienne :
Et le curé Grelet rajouta cette brève note, à la fin de son récit :
Son compère, Pierre Métayer, fils de Pierre et de Françoise Marie Coquillaud, naquit le 8 janvier 1881 à Lizac, village de Savigné.
La veuve Goutron, née Marie Petit, naquit le 31 mai 1830 à Châtain. Fille de Louis et de Françoise Robin, elle épousa, le 25 février 1851, dans sa commune natale, François Goutron, né le 4 janvier 1813 à Benest (Charente), fils de François et de Marie Dumousseau. Colon au village de Chez Meunier, il mourut à Asnois, le 17 janvier 1880. Marie Petit, et ses fils, Jean et François, et leurs familles, vinrent s'installer à Savigné, quelques années plus tard. François, né le 18 juin 1861 à Benest, avait épousé, le 4 février 1884 à Asnois, Anne Vallade, fille de mes ancêtres François et Marie Dardillac. De leur union, ils eurent, au moins, Eugène, né en 1885 à Asnois, puis Marguerite, née en 1887 à Savigné, et la petite Annette, dite Louise, née en 1893 à Pleuville (Charente). Au début du XXe siècle, la famille prit la charge de la métairie de Loing. Le destin voulut donc que les deux fillettes, mentionnées dans l'histoire, me soient intimement liées : elles étaient les cousines germaines de mon arrière-grand-père Myrthil :
François Vallade 1837-1914 | |||||
Anne Vallade 1865-1947 |
Constant Vallade 1878-1955 |
||||
Marguerite Goutron 1887-1965 |
Annette Goutron 1893-? |
Myrthil Vallade 1907-1995 |
|||
Michel Vallade 1932-2011 |
|||||
ma maman | |||||
et moi ! |
Dans son récit, le curé racontait que cet événement marqua les esprits dans le petit bourg.
L'Écho du Merveilleux : revue bimensuelle (1er janvier 1907) |
L'écho de Civray, hebdomadaire local, s'en émut, et publia peu après l'article suivant, retrouvé aux Archives départementales de la Vienne :
L'Écho de Civray, n°49, jeudi 6 décembre 1906 |
Et le curé Grelet rajouta cette brève note, à la fin de son récit :
Le 23 janvier 1907, j'ai enterré la veuve Gautron, décédée presque subitement.
J. Grelet, curé de Savigné
|
La mort de Marie Petit, en effet, fut inscrite dans les registres de l'état-civil de Savigné :
Archives en ligne, Savigné, D - 1903-1909, v.62/98 |
Une histoire qui fait froid dans le dos...! Il s'en passe des choses à Savigné :-)
RépondreSupprimerLa presse locale est vraiment pleine de surprises
Oui, les villages de nos campagnes regorgent d'anecdotes. Juste un détail, chronologiquement, ce sont les actuels propriétaires de la ferme qui m'ont parlé de cette histoire. L'article de presse est un petit plus. A bientôt. Seb :)
Supprimerbonjour, merci pour cet article sur mes ancetres ! en effet, marie petit est mon arriere arriere arriere arriere grand mere paternel ! voici ma genealogie sur geneanet : http://gw.geneanet.org/gandhie_w?lang=fr&pz=pauline&nz=p&ocz=0&p=marie&n=petit
RépondreSupprimernous sommes surement cousin :)
bonne continuation
Merci pour ton message et content d'avoir pu te donner une anecdote de la vie de ton ancêtre. L'histoire s'inscrit plutôt dans l'épilogue du fratricide de Loing. Je ne suis pas descendant de Marie Petit, dommage, mais les deux filles de l'histoire étaient des cousines germaines de mon arrière-grand-père. La dalle funéraire de Marie Petit se trouve juste à l'entrée du cimetière de Savigné.
SupprimerJ'ai parcouru ton arbre assez rapidement, nous cousinons au moins par les Degorce d'Availles. A bientôt, Sébastien